Les villages qui font le vin : carte vivante des zones viticoles actives en Auvergne

29/05/2025

Auvergne : entre renaissance et racines profondes

Entrer dans un vignoble d’Auvergne, c’est remonter le temps : celui des Romains, des moines, des crises du phylloxéra, mais aussi celui d’une formidable renaissance. Depuis une vingtaine d’années, les vins d’Auvergne quittent la pénombre, portés par des vignerons passionnés et des terroirs habités par la cendre et la pierre. Mais où se cachent ces trésors ? Quelles communes font vraiment l’actualité du vin auvergnat ? Réponse à travers cette carte vivante du vignoble.

Saint-Pourçain-sur-Sioule et autour : poids lourd historique du vin auvergnat

Difficile de parler d’Auvergne viticole sans évoquer Saint-Pourçain-sur-Sioule, dans l’Allier. Non seulement le secteur rayonne par sa surface – la plus vaste de la région, avec environ 640 hectares d’AOP – mais il impressionne par son ancrage, reconnu dès le Moyen Âge. Le village éponyme, mais aussi Saulcet, Chareil-Cintrat, Montord, Verneuil-en-Bourbonnais ou Cesset forment le cœur battant de cette appellation. Ce sont plus de 19 communes qui définissent le cru, avec une activité dynamique portée par une cave coopérative (la Cave de Saint-Pourçain, créée en 1952) et une vingtaine de domaines indépendants (source : Syndicat AOP Saint-Pourçain).

  • Éléments marquants : vignoble à dominante argilo-calcaire, cépages tressallier (spécificité locale rare), gamay et pinot noir.
  • Production annuelle : Entre 35 000 et 40 000 hectolitres selon les années.
  • Fête immanquable : “Foire aux vins de Saint-Pourçain”, chaque 3e week-end d’août, où 40 000 visiteurs déferlent sur la commune.

Autour de la Sioule, la vigne structure le paysage et la vie : les vignerons de Saulcet se distinguent par leur vivacité, ceux de Chareil-Cintrat par leur diversité. Les villages sont autant de visages du vin local – à parcourir un verre à la main.

Boudes et le Vernet-Chaméane : la perle du Lembronais

Au sud de Clermont-Ferrand, le vignoble de Boudes et du Vernet-Chaméane a la particularité d’avoir survécu à la crise du phylloxéra et au déclin du XXe siècle. Aujourd’hui, Boudes revit grâce à une poignée de producteurs réputés, comme Patrick Bouju, et à une diversité remarquable de terroirs volcaniques. Les villages voisins – Madriat, Chalus, ou encore Moriat – participent aussi à cette dynamique. Les vignes de Boudes, accrochées à flanc de coteau, sont reconnaissables à leur alignement bordé de murets en pierres sèches, témoins d’un patrimoine paysan farouche :

  • Superficie : une cinquantaine d’hectares autour de Boudes, dont 35 à l’actif de l’AOP “Côtes d’Auvergne Boudes”.
  • Spécificité : sols rouges, riches en argiles ferrugineuses ; certains coins offrent à la dégustation de superbes gamays intenses et structurés.
  • Anecdote : La “Vallée des Saints”, avec ses aiguilles de pierre, coupe littéralement le vignoble en deux, offrant des paysages presque méditerranéens.

Corent, Authezat et les seigneurs du Puy

À une quinzaine de kilomètres au sud de Clermont-Ferrand, la butte de Corent n’est pas qu’un site archéologique majeur : elle abrite un vignoble confidentiel mais de grande réputation. Les villages de Corent, Authezat, et une partie de Veyre-Monton, bénéficient d’une exposition plein sud, imprégnée de brises volcaniques.

  • Superficie : une trentaine d’hectares, enclavés sur des coulées de lave et des dépôts basaltiques.
  • Production : principalement du gamay, rare pinot noir, un peu de chardonnay.
  • Fait notable : Corent est le berceau du renouveau bio et nature dans la région, avec des figures comme Vincent Marie (No Control) qui y forgent une réputation au-delà d’Auvergne (source : Terres de Vins, 2022).

Madargue et Riom : le balcon nord du vignoble clermontois

On connaît moins Madargue, quartier excentré de Riom, et pourtant, il concentre une zone viticole d’intérêt historique et qualitatif. Les communes de Riom, Mozac, Chapdes-Beaufort et le plateau de Gimeaux forment la couronne nord du vignoble :

  • Superficie : 25 hectares environ, enclavés à flanc de cône volcanique.
  • Reconnaissance : Mention “Côtes d’Auvergne Madargue” depuis 2010 pour des gamays fruités capables de vieillir plusieurs années.
  • Patrimoine : Présence de cabanes vigneronnes (appelées "cabassous") retrouvées dans les bois alentours.

Montpeyroux, Gergovie, Châteaugay… les villages sentinelles auvergnats

Si beaucoup de cuvées “Côtes d’Auvergne” sont issus d’assemblages de différentes origines, certains villages ont su garder une identité affirmée et une vitalité viticole élevée.

Montpeyroux et les balcons de l’Allier

Perché sur une butte, le village de Montpeyroux veille depuis le Moyen Âge sur ses quelques dizaines d’hectares de vigne. Il attire aujourd’hui des vignerons emblématiques, tels que François Dhumes ou Gilles Monier. Montpeyroux, c’est aussi un label “Plus beaux villages de France”, et une culture de la dégustation conviviale sur les terrasses qui bordent la place centrale.

  • Superficie : près de 50 hectares utilisés, avec de superbes terroirs calcaires.
  • Attraction annuelle : Le Printemps des Vins, événement couru chaque avril par des amateurs venus parfois de tout pays.

Gergovie et ses buttes mythiques

À Gergovie, on trinque à la mémoire des Arvernes tout en admirant les rangs étroits des anciennes parcelles renaissantes. Le vin de Gergovie porte la fougue des vents et la rudesse volcanique :

  • Chiffre clé : Moins de 15 hectares à l’heure actuelle, mais une vitalité portée par la coopérative locale et une poignée de jeunes installés depuis 2019 (source : Maison des Vins d’Auvergne).

Châteaugay et ses caves troglodytiques

Impossible d’évoquer le dynamisme sans saluer Châteaugay. Accrochée au nord de la métropole clermontoise, la commune multiplie prix et récompenses, s’affirmant comme une référence du gamay auvergnat.

  • Production : près de 80% des vignes classées en AOC “Côtes d’Auvergne Châteaugay” (soit environ 60 hectares sur la commune et alentours – source : Institut des Vins d’Auvergne).
  • Saveur urbaine : Les caves troglodytiques, refuges lors de la Révolution, servent aujourd’hui à la maturation des vins.

Autres villages actifs et nouveaux fronts vignerons

Si on pense souvent aux “grands terroirs” mentionnés plus haut, de nombreux petits villages font bouger les lignes du vignoble auvergnat. Voici quelques communes où la vigne reprend racine :

  • Montaigut-le-Blanc : Parcelles expérimentales en sauvignon, sur des zones d’altitude (jusqu’à 650 mètres).
  • Parentignat et Issoire : Efforts de replantation menés depuis la fin des années 2000 ; un microclimat abrité de l’Allier propice à la diversité variétale.
  • Saint-Myon, Vensat et l’est du Puy-de-Dôme : Plusieurs jeunes vignerons s’y sont installés, avec un accent mis sur les cépages oubliés (comme le droit ou la folle noire).
  • Rochefort-Montagne, Saint-Nectaire et Brion : Le vignoble s’étend dans les replis du Sancy, sur de petites surfaces, mais attire les amateurs de micro-productions explosives et minérales.

Lire la carte autrement : diversité et avenir du vignoble d’Auvergne

La vitalité viticole auvergnate ne se mesure pas qu’en hectares, mais dans la capacité d’un village à faire vivre ses vignes, son histoire et ses paysages. La carte bouge : dehors des appellations, on découvre un foisonnement d’initiatives, de micro-domaines, de vins d’auteurs qui donnent à l’Auvergne sa singularité contemporaine.

  • Plus de 130 vignerons indépendants recensés sur le Puy-de-Dôme et l’Allier en 2023 (source : Chambre d’Agriculture 63), dont près d’un quart en bio ou biodynamie.
  • Les zones “Côtes d’Auvergne” (Boudes, Madargue, Chanturgue, Châteaugay, Corent, Montpeyroux, etc.) sont aujourd’hui associées à près de 500 hectares en AOC/AOP.
  • L’avenir : augmentation de 17% des surfaces plantées depuis 2015, phénomène parmi les plus marquants des vignobles français “de renaissance” (source : Revue du Vin de France, juillet 2022).

En parcourant les villages d’Auvergne, on croise des voix, des paysages et des flacons, chacun porteur d’un morceau d’histoire. À chaque commune, son style : la nervosité minérale de Boudes, la rondeur lumineuse de Saint-Pourçain, l’énergie brute de Corent, la finesse de Châteaugay. L’avenir du vin auvergnat s’écrit ici, entre lave et lumière, un village à la fois.

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