La renaissance des vins d’Auvergne : comment la vigne a repris son souffle dans les années 1980

08/05/2025

Un passé glorieux mis à mal par l’Histoire

Tout d’abord, pour comprendre la renaissance de la viticulture en Auvergne, il faut revenir sur son histoire. Car oui, avant d’être une région discrète sur la scène viticole, l’Auvergne était l’un des plus grands vignobles de France. À son apogée, au XIXe siècle, on comptait environ 45 000 hectares de vignes plantées dans cette région, soit bien plus qu’aujourd’hui. Rien que Clermont-Ferrand et ses environs fournissaient des tonneaux pour toute la France.

Mais comme pour tant d’autres vignobles, plusieurs événements ont causé son déclin dramatique :

  • La crise du phylloxéra dans les années 1860 : ce fameux insecte destructeur a décimé des parcelles entières dans toute la France, et l’Auvergne n’a pas été épargnée.
  • L’industrialisation : avec la révolution industrielle, de nombreux paysans ont quitté la vigne pour rejoindre les usines des villes voisines, délaissant ces terres difficiles à cultiver.
  • La concurrence des grands vignobles du Sud et du Bordelais : les vins de l’Auvergne, modestes et rustiques, n’ont plus fait le poids face au prestige des crus des grandes régions viticoles.

Les deux guerres mondiales ont achevé de ruiner le vignoble auvergnat, jusqu’à le réduire à seulement quelques centaines d’hectares dans les années 1950. Et pourtant… les volcans, eux, n’avaient jamais dit leur dernier mot.

Les premières lueurs du renouveau : les années 1980

C’est dans les années 1980 que le vent a commencé à tourner pour la viticulture auvergnate. Plusieurs facteurs ont joué en faveur de ce renouveau. Le premier, et non des moindres, est l’effort collectif des vignerons locaux. Des familles viticoles, souvent présentes depuis des générations, ont décidé de ne pas laisser tomber ces terres volcaniques pleines de potentiel.

En parallèle, des passionnés venus d’ailleurs – des œnologues, des agronomes ou parfois même des amateurs éclairés – ont vu dans ces sols de lave une occasion unique de créer des vins différents, reflétant un terroir exceptionnel.

Un label pour se faire connaître : l’AOVDQS

L’une des premières victoires de cette période a été la reconnaissance officielle de la qualité des vins auvergnats. En 1984, l’appellation AOVDQS (Appellation d'origine vin délimité de qualité supérieure) est attribuée à certaines parcelles. Ce précurseur des AOC (Appellations d’Origine Contrôlée) marque le début d’une reconnaissance officielle et la garantie d’un savoir-faire local.

Cette distinction, bien que peu connue du grand public, a permis de poser les bases d’une remontée en gamme des vins de l’Auvergne. Les amateurs et les acheteurs ont commencé à s’intéresser à nouveau à cette région oubliée.

Un travail de longue haleine sur les cépages et les sols

Mais relancer un vignoble en perte de vitesse n’est pas chose facile. Les sols volcaniques de l’Auvergne sont riches et complexes, mais leur exploitation demande une maîtrise technique certaine. Il a fallu repenser entièrement le travail de la vigne :

  • Des replantations de cépages traditionnels, comme le gamay ou le pinot noir, mais aussi la valorisation de cépages autochtones comme le tressallier.
  • Un travail de rénovation des terrasses abandonnées, souvent envahies par la végétation.
  • L’introduction de techniques modernes en viticulture, avec le souci de respecter l’écosystème et l’identité des sols volcaniques.

Ce qui est fascinant, c’est que ces efforts n’ont jamais cherché à mimer les grands crus des autres régions. Au contraire, les vignerons auvergnats ont misé sur leur singularité pour se démarquer : le goût minéral, presque fumé, typique de leur terroir volcanique.

Les vignerons auvergnats : des artisans de la résilience

Impossible de parler de cette renaissance sans évoquer les hommes et les femmes qui l’incarnent. Parmi eux, des figures pionnières ont marqué les esprits, comme Patrick Bouju, vigneron emblématique de l’Auvergne, connu pour ses vins naturels et son respect absolu du terroir. Mais il n’est pas le seul. C’est toute une génération de vignerons qui s’est levée dans ces années-là, avec un objectif commun : redonner à leur région une identité viticole forte.

Aujourd’hui encore, des noms comme Jean Maupertuis, Pierre Beauger, ou encore le domaine Miolanne sont devenus des références, non seulement en France, mais aussi à l’international, où leurs bouteilles s’arrachent.

L’importance du tourisme et de la culture régionale

Un autre aspect important de cette renaissance est le rôle du tourisme. Dans les années 1980 et 1990, les efforts pour relancer le vignoble ont été complétés par une volonté de valoriser le patrimoine local. Les caves sont devenues des lieux de visite, les marchés régionaux ont mis en avant les produits du territoire, et les festivals comme la Fête des Vins de Saint-Pourçain ont attiré de nombreux curieux.

Ce lien entre vin et territoire volcanique est aujourd’hui une véritable marque de fabrique pour l’Auvergne. Une bouteille d’ici, ce n’est pas simplement un vin : c’est une porte d’entrée vers une région, une culture, une fierté.

La reconnaissance actuelle : des vins qui voyagent

Depuis les années 2010, la viticulture auvergnate ne cesse de gagner en reconnaissance. En 2011, une distinction importante est accordée à certains vignobles lorsqu’ils accèdent à l’appellation AOC Côtes d’Auvergne. Aujourd’hui, près de 400 hectares sont exploités sous cette AOC, avec une répartition en cinq sous-zones : Boudes, Chanturgue, Châteaugay, Madargue, et Corent. Chacune possède sa signature propre, mais toutes partagent cet ADN volcanique unique.

Sur le marché international, certains grands crus auvergnats commencent à s’imposer. Preuve que les efforts déployés depuis les années 1980 portent leurs fruits, littéralement ! La région est également portée par l’engouement global pour les vins de terroir et pour les vignerons respectueux de l’environnement.

Une terre d’avenir

À l’aube de 2024, ce regain d’intérêt pour les vins d’Auvergne s’inscrit dans une tendance plus large : celle de retrouver l’essence même du vin, loin des productions standardisées. Ces vins volcaniques sont chers au cœur des amateurs en quête de sensations fortes et d’histoires à raconter.

Si l’Auvergne continue sur cette lancée, il y a fort à parier qu’elle trouvera bientôt une place de choix auprès des grandes régions viticoles françaises. En attendant, je vous invite à découvrir par vous-même ces bouteilles qui sentent la lave et le vent des montagnes. Venez les déguster dans ma cave, et laissez-vous surprendre par cette douce ode à la résilience et au terroir.

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