L’âge d’or du vignoble auvergnat au XIXe siècle : un héritage volcanique et humain

02/05/2025

Une Auvergne viticole grandissante, nourrie par une demande locale et nationale

Au XIXe siècle, l’Auvergne bruisse d’activité. Cette époque est synonyme de transformations profondes pour le vignoble local. Ce n’est plus seulement une production familiale réservée à la consommation régionale : les vins d’Auvergne tracent leur sillon jusqu’à Paris et au-delà. Pourquoi ? En grande partie, à cause de la révolution des chemins de fer, qui connecte la région au reste de la France.

Les voies de chemin de fer, d’abord modestes, deviennent le moteur essentiel de cette expansion. Les exploitations viticoles du Massif central, notamment aux abords du Limagne ou des coteaux volcaniques des environs de Clermont-Ferrand, s’élargissent pour répondre à une demande galopante. Paris, avec sa croissance démographique, devient avide de vin. Le transport rapide rend économique l’acheminement des barriques. Résultat : en 1855, on produit environ 1 million d’hectolitres de vin par an en Auvergne, une quantité folle comparée aux standards actuels.

Ensuite, n’oublions pas qu’à l’époque, le vin était une boisson du quotidien pour toutes les classes sociales. En l’absence de boissons autres comme le soda ou la bière moderne standardisée, chaque région vinicole occupait une place sur les tables populaires. Et celle de l’Auvergne avait de quoi satisfaire les goûts de beaucoup.

Des vignes enracinées dans une terre volcanique d’exception

Quiconque a déjà remonté les coteaux autour de Volvic, d’Issoire ou du Puy-de-Dôme a pu respirer cet air un peu âpre, chargé des souvenirs de cendres volcaniques. Cet environnement sillonné par les volcans endormis a donné naissance à des sols riches mais difficiles, où bravant la pierre et les caprices du climat, la vigne pousse lentement mais sûrement.

Ces terres volcaniques n’étaient pas qu’un apanage visuel impressionnant ; elles rendaient les vins produits ici pleins de vivacité et de minéralité. C’est là que réside une autre clé de l’âge d’or : les sols auvergnats produisaient à l’époque des vins robustes, simples, mais accessibles, parfaitement adaptés aux palais populaires.

Mais attention. Cultiver ce terroir n’a jamais été une mince affaire. Les coteaux abrupts, le gel persistant du Sancy ou les vents imprévisibles des hauteurs du Cézallier rendaient chaque vendange héroïque – et c’est sans parler de la gestion des cépages ! Parmi eux, deux grands protagonistes du siècle brillent particulièrement : le gamay, dans une version typée pour les rouges, et le cépage blanc saint-pierre doré. Bien entendu, on cultivait d’autres variétés plus spécifiques, comme le mondialement apprécié mourvèdre dans certaines parcelles plus chaudes.

Un tissu social et économique embelli grâce à la viticulture

Au-delà de l’aspect agricole, le développement du vignoble était un vecteur de dynamisme social et économique pour l’Auvergne. Dès le XIXe siècle, la population des campagnes travaille dur sur la vigne : petits vignerons, journaliers, mûrisseurs (responsables d’affiner la maturation des raisins avant leur pressage), tonneliers, marchands… C’est tout un écosystème qui se crée autour de la vigne.

Les communes auvergnates comme Royat, Châtel-Guyon ou Saint-Saturnin deviennent des pôles de production très actifs. Les petits vignerons, souvent pluriactifs, complétaient leurs revenus grâce à la vigne. Imaginez : un fermier qui s’occupait de son lot de terres volcaniques avait souvent à cœur de livrer chaque tonneau avec fierté dans les foires locales de Clermont-Ferrand.

À cette époque, le vin n’était pas simplement une affaire de plaisir, mais un mode de survie et de transmission de savoir-faire ancestral. Et ceci se sentait dans chaque amphore de vin local expédiée. Ce tissu social soudé contribuait à rendre l’Auvergne incontournable.

Des chiffres qui impressionnent : un vignoble au sommet

Si le vignoble auvergnat a connu son âge d’or, c’est en partie grâce à son ampleur. En analysant les chiffres de l’époque, on comprend mieux ce phénomène :

  • Au XIXe siècle, la superficie du vignoble auvergnat culminait à 40 000 hectares. C’est vertigineux comparé aux maigres 400 hectares que compte aujourd’hui la région, un contraste saisissant.
  • Avec ses 1 million d’hectolitres de vin produits tous les ans durant les années fastes, l’Auvergne se plaçait parmi les grands vignobles français, derrière des mastodontes comme Bordeaux ou la Bourgogne.
  • Une grande proportion de cette production reposait sur le gamay (60 %), qui rappelait les cuvées du Beaujolais voisin, mais aussi d’autres cépages locaux oubliés depuis.

Cette capacité de production témoigne de l’intensité des efforts fournis par les hommes et les femmes de l’époque, mais aussi des ressources naturelles à disposition.

Le début du déclin : le phylloxéra et l’exode rural

L’âge d’or auvergnat n’a malheureusement pas duré éternellement. À la fin du XIXe siècle, plusieurs facteurs ont plombé les paysages de vigne. Le plus grand coupable, sans surprise, reste le phylloxéra. Ce puceron venu d’Amérique du Nord a détruit à lui seul des centaines de milliers de pieds, anéantissant le système agricole régional. Entre 1878 et 1900, quasiment un tiers des parcelles a été abandonné.

À cela se sont greffées des crises économiques, mais aussi l’exode rural. Les terres peu mécanisées devenaient moins attractives pour les jeunes générations, qui privilégiaient les usines et centres urbains.

Un héritage à redécouvrir

Si vous traversez aujourd’hui les pentes volcaniques près de Clermont-Ferrand, vous remarquerez que le vignoble auvergnat reste modeste. Toutefois, en goûtant un verre de saint-pourçain ou de côtes-d’auvergne, vous participez à cette longue histoire marquée par une lumière indiscutable au XIXe siècle. Ces vins prouvent que, sous la roche volcanique, brûle encore la chaleur d’un âge d’or dont l’éclat résonne aujourd’hui pour les curieux et les passionnés.

Alors, la prochaine fois que vous déboucherez une cuvée auvergnate, songez à ces hommes et femmes du XIXe siècle, à leurs terres rebelles et à leur passion. Cet âge d’or n’est pas qu’un chapitre d’histoire : c’est l’écho d’un savoir-faire millénaire qui jaillit encore, ruisselant de lave et d’authenticité.

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